LAPD Creep Korn
A la base, un quatuor, L.A.P.D., qui constitue les trois quarts de la base des musiciens de Korn : David Silveria à la batterie, Reginald Arvizu à la basse (d'abord surnommé Garfield, puis Fieldy), James "Munkey" Schaffer à la guitare, et l'inconnu Richard Morales au chant.
Implanté à Bakersfield, à quelques encablures à l'est de Los Angeles, le groupe comprend vite qu'il n'est pas très aidé par la situation de sa ville, aussi peu stratégique que culturelle.
Le temps de sortir un trois titres ("Love and peace, dude") et un album ("Who's laughing now ?") sous la tutelle du label Triple X, et le groupe se dissout en 1993 dans l'anonymat. Mais le Phénix est déjà prêt à renaître des cendres de ce groupe de hardcore mou. Il sommeille en un autre groupe du coin;Jonathan Davis partage son temps entre la dissection de cadavres à la morgue de Kern County et la pratique d'un sous-grunge au sein de son groupe Sex Art, dont l'unique démo semble avoir les pires difficultés à faire parler d'elle.
Peu de temps après, son arrivée dans le local de répétition des anciens L.A.P.D. remet les pendules à l'heure, confirmant la qualité de cette nouvelle donne, augmentée précédemment de Brian "Head" Welch, ami d'enfance de Munkey, et guitariste de son état.
Le line up établi sera donc le bon. D'abord appelé Creep, le groupe se rebaptise vite Korn.
Avec le recul, il semble difficile de déterminer si c'est la marmite d'influences que constitue le groupe qui est à la base de ce nouveau style né avec lui, ou bien encore l'histoire singulière d'un chanteur dont le mal être résulte d'une enfance purement chaotique : c'est que Jonathan Davis n'a pas eu son pareil pour subir les risées de la cour d'école ou se plier aux attouchements sexuels de sa belle-mère.
On lui pardonnera dès lors de s'être attardé à l'époque sur les mièvreries de boys band faussement indie à la Duran Duran ou Flock Of Seagulls.
Les autres membres du groupe sont également à l'écoute d'autres styles (hip hop, jazz, expérimental, disco, electronica...), mais c'est leur metal qui mettra vite tout le monde d'accord, puisqu'il est le fils aîné de la génération Faith No More(que de souvenirs...), Red Hot Chili Peppers, et Rage Against The Machine, à qui on aura tort toutefois de comparer trop hâtivement.
La Reconnaissance
Immortal Records du bouillant, Happy Walters sera le premier label à s'intéresser à Korn.
Il s'offre donc là une superbe parenthèse métal, puisque ses premières sorties, plus orientées rap, n'étaient autres que le premier Funkdoobiest et la B.O. de Judgement Night.
En 1994 lorsque sort Korn (l'album), les kids américains se retrouvent dans Jonathan Davis, c'est qu'il est, au lendemain de la mort de Kurt Cobain, le premier à offrir (dans le cadre d'une musique dite "aggressive"), une attitude et un chant profondément humains, se démarquant donc largement à ce niveau de ses pairs, notamment Phil Anselmo ou Max Cavalera.
Korn va donc s'offrir en public, soutenant des groupes aussi divers que Danzig, House Of Pain, Megadeth, KMFDM, Cypress Hill ou Foo Fighters.
L'imagerie et les décors dont vont se servir le groupe vont développer sur scène comme sur disque des clichés aussi noirs que ceux de l'inceste ou de la drogue, mais toujours rendus coupables par le biais du vécu, de l'expérience traumatisante.
Ainsi, Korn recèle de trésors de sincérité fragile comme "Need To", "Faget", ou bien encore le terrifiant "Daddy", à l'issue duquel Jonathan Davis inflige à l'auditeur une insoutenable séance de pleurs...réels.
C'est probablement le titre qui représente le mieux le Korn de l'époque : souillé et presque masochiste dans l'évocation de la douleur, dont l'exhibition est rendue plus concrète encore par la production en 3D de Ross Robinson.
Le Métal Post-Adolescent
Peu après Korn commence à enchâiner les tournées et il faudra la sortie de l'album Life Is Peachy un an plus tard pour que la renommée vienne enfin.
Une année durant laquelle bon nombre de groupes vont tenter de s'approprier la recette du metal de Korn , à commencer par Sepultura qui invite Jonathan Davis à pousser la hurlette sur l'extraordinaire "Lookaway" ("Roots", 1996), n'omettant pas au passage de mettre la main sur Ross Robinson, et les pieds dans le même studio qu'eux:l'Indigo Ranch de Malibu.
Un parcours suivi depuis par une pléiade d'autres groupes : Cold, Limp Bizkit, Soulfly..., les seuls sortant de ce lot de copieurs de qualité restant les Deftones, à qui l'on peut sans conteste attribuer (avec Korn) la paternité de ce "nouveau metal" (leur premier opus, "Adrenaline", étant sorti à la même époque que Korn).
Le premier album de Korn atteindra sans difficulté le million d'exemplaires vendus.
Sans le savoir Korn aura inventer le metal du malaise post-adolescent, à grand renforts de riffs sauvages de guitares sept cordes, de hurlements sincères, et de tatouages de clowns sadiques.
Life Is Peachy
1966 est donc l'année de l'enregistrement de "Life Is Peachy", que l'Europe découvre de plein fouet, se prêtant très vite au jeu de cette musique épidermique
Dès Octobre, les kids du monde entier bloquent sur ce groupe de génie dont les nouveaux titres "Twist", "Good God" ou "Kill You" le consacrent d'emblée comme le nouveau groupe à suivre
Tendance confirmée par la tournée qui suivra, aux côtés de nouveaux poulains du label Immortal, les funk-métalleux d'Incubus et les ska-coriens de The Urge.
Une tournée triomphale précédée par l'apparition de Jonathan Davis dans New Rave, magazine porno américain.
Moins fouillé et plus noir que son prédécesseur, "Life Is Peachy remporte tout de même haut la main la majorité des référendums de 1996, le temps pour Korn d'une tournée américaine en ouverture de tenez-vous bien Metallica, et du lancement de son nouveau groupe-pote, Limp Bizkit.
Prenant soin toutefois de ne pas stagner dans les rivages dangereux du style qu'il vient d'inventer, Korn s'offre un titre piquant ("Kick the p.a".) avec les Dust Brothers (producteurs de premiers Beastie Boys) pour la BO de "Spawn".
En Mai 1997, alors qu'il tourne en Europe avec Limp Bizkit, Korn se voit inviter à assurer la tête d'affiche du festival itinérant Lollapallooza par Perry Farrell, son organisateur.
Ce rêve de gosse est une forme d'aboutissement pour le groupe, mais un rêve qui ne se verra qu'à moitié concrétisé puisque Munkey contractera une méningite virale au beau milieu de la tournée....annulée pour eux.
Mort à l'hypocrisie du Showbusiness
La préoccupation de Korn sera dorénavant de ne plus rien faire comme les autres, et de se mettre à l'ouvrage du très attendu troisième album.
On entend bien vite parler d'un nouveau style, d'un nouveau producteur (quand beaucoup voyaient en Ross Robinson le sixième membre du groupe), Steve Thompson.
Et libre à Korn désormais de gérer ses multiples activités : Fieldy signe des remixes pour Limp Bizkit et les Lordz Of Brooklyn, et le groupe , en parallèle, crée son propre label, Elementree, distribué par Reprise Records.
Orgy est le premier groupe lancé, aux confins des styles de Nine Inch Nails et de Depeche Mode (on parle de Cradle Of Thorns, autre groupe de Bakersfield comme prochain poulain).
Pendant ce temps on ne peut pas vraiment dire que l'enregistrement de "Follow The Leader" se fasse dans la plus stricte confidentialité.
Forts de leurs relations avec leurs fans, Korn met en place une caméra dans ses studios, et tous les jeudis, les fans peuvent pénétrer l'intimité du groupe par le biais d'Internet lors des "Korn After School Specials", converser avec leurs idoles, toujours entourées de potes comme Chino des Deftones, Mark de Sugar Ray ou B-Real de Cypress Hill.
C'est là qu'on réalise le beau pied de nez fait au Showbizz par Korn car on a rarement vu des fans aussi proche de stars....
Follow The Leader
Lorsque sort au mois d'Août 2000, le bien nommé Follow The Leader (produit par Toby Right), on assiste à l'ouverture d'esprit d'un groupe qui a compris les dangers et les limites de son succès.
La formule utilisée sur Life Is Peachy est pratiquement usée.
Alors Korn change, mute et innove
En celà, "Follow The Leader" sorti en 1998 est une bombe, synthèse d'influences metal, hip hop, amplifiées par l'intelligence des mélodies.
Entrée fracassante avec "It's On", détours disco metal (le single "Got The Life"), virages Gangsta avec Ice Cube (à qui Korn renverra l'ascenceur en figurant sur le titre "Fuck Dying", de son album War à venir).
C'est l'abolition des barrières musicales pour l'apothéose d'un nouveau style, plus frais, plus respirable, et toujours aussi sincère.
Ne résistant plus à l'envie de tourner, et de croiser la route de ses fans à qui il doit tant, Korn se délecte fin Août d'une tournée promotionnelle publique, cyniquement baptisée "Korn Kampaign 98", en enième pied-de-nez au conservatisme américain, à l'image parfaitement clinquante des tournées présidentielles en mal d'électeurs.
Peu après Korn apparaîtra publiquement en char militaire ou en calotte médiévale et gâtera ses fans avec le "Family Values Tour", assistés de Limp Bizkit, Incubus, Ice Cube, Orgy et Rammstein
Un festival qui décline le sens de la famille au pluriel des groupes, mais aussi des fans bien sûr, à l'image du clip de "Got The Life"; une grande invitation au bordel et un joli Pied de Nez à MTV
Une Nouvelle ère
En 1999 le groupe revient avec Issues, totalement différent du précédent album il montre un Korn plus mélodique ce qui déplaira à certains fans de la première époque.
Le groupe tourne alors de façon intensive, Silveria sera remplacé pendant un court laps de temps par Mike Bordin (Faith No More) suite à un problème de santé.
S'ensuit alors une petite pause, Fieldy en profitant pour enregistrer un album solo tandis que Jonathan Davis participe à la bande son de Queen Of The Damned.
L'année 2001 sera marquée par la sortie dans les bacs d'Untouchables, Korn y fait la part belle aux mélodies et aux effets ; Jonathan Davis utilise entre autre une technique d’enregistrement normalement réservée aux albums de classiques ; la musique devient plus mélodique et les ambiances sont plus travaillées.
Une certaine controverse planera toutefois sur cet album concernant les chiffre de vente qui pour certains auront été moins bon.
Deux ans plus tard en 2003 sort Take a Look In The Mirror qui marque un retour aux sources pour le groupe avec un son plus direct.
Ce dernier produit par le groupe lui-même sera le dernier avec le line up originel.
L'année qui suit au vu des six opus du groupe, la formation publie un Best Of en octobre 2004 nommé Greatest Hits Vol. 1.
Ce best of contiendra quelques inédits dont les reprises des morceaux Word Up! et Another Brick In The Wall ainsi qu'une version remixée de Freak On A Leash.
L'année 2005 sera quand à elle marquée par un coup de théâtre.
Brian Welch alias Head quitte la formation pour se consacrer entièrement à Dieu et ira même jusqu'à renier complètement son passé au sein de korn.
Le groupe n'en sera pas moins motivé pour autant et enregistrera le double album See You On The Other Side où encore une fois les fans seront bousculés avec des compositions comprenant des passages très mélodiques ainsi que l’apparition de passages électro / indus pop.
La bande à Davis continue ainsi son petit bout de chemin à 4 avec un guitariste passant inaperçu au niveau de la scène.
En 2006, Korn nous sort le disque Live And Rare et en Mars 2007 paraîtra Unplugged.
Peu après sort à la fin Juillet 2007 l'album "Untitled" où korn s'offre une cure de jouvence.
Les arrangements et les ambiances de l'album sont soignés et les rythmiques sont travaillés.
Le chant de Davis évolue et il ne se contente plus uniquement d'éructer mais il s'implique dans un subtil mélange de douceur et de hargne puissante.
Certains titres se démarquent toutefois dont l'excellent "Bitch we got a problem", "Evolution", "Innocent Bystander" où encore "Hushabye".
Et que dire quand on sait qu'on retrouve derrière les fûts Terry Bozzio (ex Frank Zappa) et Brooks Wackerman (nouveau batteur de Bad Religion)
3 ans s'écoulent et nous voilà en 2010 !
La résurrection tant attendue a bien lieu et Korn revit. Korn renait et le retour aux sources se produit enfin !
L'album Korn III Remember Who You Are paraît et étrangement on a l'impression d'être revenu en 1994 tellement cet album est LA claque de l'année.
A la production Korn fera appel à Ross Robinson (producteur des deux premiers albums) et c'est désormais Ray Luzier qu'on retrouve derrière les fûts.
Des riffs de guitares acérés, la voix de Davis au sommet de son art et une lourdeur omniprésente sur certains morceaux qui ne pourront que réconforter les fans de la première heure et conquérir ceux qui ne l'étaient pas encore.
20 ans de carrière et de nombreux groupes s'étant lancé sur la voie tracée par la bande à Davis il est impossible de nier l'impact que Korn a pu avoir sur la musique que l'on trouve encore sur la scêne métal actuelle.